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Les risques encourus pour le dirigeant de société

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Se lancer dans l’aventure entrepreneuriale impose de s’interroger sur les risques encourus même lorsque le vecteur choisi est celui de la société. Société ne rime pas forcément avec protection systématique

Portrait AAE
Alexandra ARNAUD -EMERY, consultante NCE en droit privé
  • La protection offerte par un écran sociétaire dépend de la forme sociale adoptée.

Il apparait de prime abord plus sécurisant d’être dirigeant associé d’une société de capitaux que d’une société à responsabilité illimitée voire solidaire.

Les sociétés à responsabilité limitée s’opposent aux sociétés dans lesquelles la responsabilité des associés n’est pas limitée aux apports ; au contraire, cette responsabilité des associés est indéfinie ou illimitée.

En présence d’une société à responsabilité indéfinie, ainsi que le rappelle l’article 1857 du Code civil, les associés répondent à l’égard des tiers indéfiniment des dettes sociales proportionnellement à leur part dans le capital social. Les créanciers sociaux peuvent saisir les biens personnels de l’associé et venir en concours sur ces biens avec les créanciers personnels. Mais ils doivent alors diviser leur recours et ne réclamer à un associé déterminé qu’une partie de leur créance calculée en proportion de sa part dans le capital social. Les associés de sociétés civiles ne sont pas solidairement tenus des dettes sociales. Au surplus, il ne peut y avoir poursuite de l’associé qu’après que le créancier ait préalablement et vainement poursuivi la société (C. Civ, art. 1858). Les associés sont débiteurs subsidiaires et non conjoints du passif social. Ce n’est qu’une fois démontrée l’impossibilité de recouvrer la dette sociale sur la société, que le créancier pourra poursuivre l’associé de leur choix mais seulement pour sa part de dette proportionnant selon le montant de sa participation dans le capital social.

Au contraire, dans une SNC, les associés répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales. Ils peuvent être personnellement mis en cause après une vaine mise en demeure. Les créanciers peuvent agir contre l’un des associés pour le tout à charge pour ce dernier de se retourner contre la société ou les associés.

Mais cette différence entre responsabilité limitée et indéfinie peut paraitre purement théorique.

  • En pratique, la responsabilité limitée est un « mirage », des risques pèsent sur les associés-dirigeants.
    1. Même si la société est in bonis, les dirigeants peuvent voir leur responsabilité engagée à différents niveaux.

Le ou les dirigeants de société peuvent voir leur responsabilité civile engagée à l’égard de la société et des associés, en cas de violation de la loi ou des statuts et en cas de faute de gestion (pour les sociétés civiles C. civ, art. 1850 ; pour les SARL, C.com, art. L. 223-22 et pour les SA, C. com, art. L. 225-251 ).

Toutefois, le dirigeant ne sera tenu à l’égard des tiers de la faute de gestion que si elle est détachable des fonctions, soit intentionnelle et d’une particulière gravité (Cass. com, 20 mai 2003, n° 99-17.092 FS-PBI).

Le ou les dirigeants de société peuvent voir leur responsabilité pénale spécifique engagée au titre d’infractions telles que l’abus de biens sociaux et l’abus de confiance qui des infractions essentielles dont disposent les tribunaux pour atteindre ceux qui ont pensé protéger leur patrimoine personnel en logeant leur activité professionnelle dans une société.

2. Lorsque la société connaît des difficultés financières et fait l’objet de procédures collectives, les dirigeants peuvent subir une extension de la procédure collective à leur patrimoine personnel en cas de faute de gestion.

Le ou les dirigeants de société peuvent ainsi en cas de procédures collectives être la cible d’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs (C. Com, art. L. 651-2). Cette action ne peut être mise en œuvre que dans le cadre d’un plan de liquidation judiciaire ou de résolution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

Le juge ne pourra établir cette action que si une faute de gestion du dirigeant est prouvée et que celle-ci a directement contribué à l’insuffisance d’actif. L’action est écartée en cas de simple négligence.

Cela peut être le cas, en présence de rémunération excessive du gérant ; la rémunération devient fautive lorsqu’elle n’est pas adaptée aux ressources et à la situation économique de la société car elle lui est préjudiciable. Le montant du salaire des cadres n’a pas à être pris en compte (Cass. com. 31 mai 2016, n° 14-247779 (507 F-D)).

Doit combler le passif le dirigeant qui a déclaré la cessation des paiements deux mois après le délai légal, ce retard constituant une faute de gestion et non une simple négligence puisque le dirigeant connaissait les difficultés financières et l’endettement de la société (Cass. Com. 5 février 2020, n° 18-15.072 F-D).

Nonobstant le fait que le remboursement d’un compte courant d’associé constitue un principe, la jurisprudence considère que le fait de rembourser de tels comptes, alors que la cessation des paiements parait inéluctable, constitue une faute de gestion (Cass. com. 24 mai 2018 n° 17-10.119 F-D ; Cass. com 20 octobre 2021, n° 20-15.736 F-D et 20-11.095 F-D).

A contrario, ne commet pas une faute de gestion, le dirigeant ayant engagé la société dans une activité reposant sur un client unique qui a finalement rompu brutalement toute relation commerciale, un tel comportement relevant, au regard des circonstances, d’un simple manque de vigilance (Cass. com, 13 avril 2022, n° 20-20.137 F-B)

3. La situation du dirigeant-caution est délicate

La situation de l’associé caution est pire que celle de l’entrepreneur individuel en liquidation judiciaire. En effet, en cas de clôture de la procédure pour insuffisance d’actif, les créanciers perdent leur droit d’action contre l’entrepreneur individuel : le compteur est remis à zéro (C. Com, art. 643-11). Alors que l’associé caution reste lui tenu en sa qualité de caution même après la clôture de la procédure, même s’il n’a commis aucune fraude.